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dimanche 27 novembre 2011
François Brutsch | 20h02 | droit/politique | permalien | rss
Une initiative refusée, une loi contestée approuvée, trois lois fiscales ratifiées par le peuple
Dernière modification: lundi 29 à 12h25
Clôture du scrutin à midi après trois semaines de vote postal, électronique ou, le dernier jour, à l'urne, résultats connus en début d'après-midi: voici donc la traditionnelle galerie d'affiches de campagne[1] avec une brève présentation des objets et enjeux du scrutin. Voir aussi le site officiel, avec la brochure diffusée à toutes les personnes ayant le droit de vote, ainsi que les résultats.
Les cinq questions posées dans la République et canton de Genève avaient trait à:
Taxes
Le passage obligatoire par le scrutin populaire dispense les partis ou groupes d'opinion de l'effort de devoir le provoquer tout en permettant occasionnellement de faire rejeter une loi (outre l'effet en quelque sorte préventif, de surmoi, et le redoublement de précautions qu'il induit pour éviter d'irriter le citoyen-contribuable). Cela ne s'est pas produit cette fois-ci, même si les partis populistes (UDC et MCG) ont tenté de se gagner les bonnes grâces des propriétaires de chien, et si la gauche a tenté de maintenir une taxe sur les loteries et tombolas dont le produit a une affectation sociale obligatoire - comme s'il n'y avait pas un jeu de vases communicants entre cette modeste recette et le budget général.
Politique sociale
La loi sur l'assistance sociale individuelle, qui représente le volet cantonal subsidiaire de la politique sociale là ou les grandes assurances sociales établies sur le plan fédéral de s'appliquent pas ou plus (épuisement du droit à l'indemnité de chômage p.ex.) ou ne sont pas suffisantes, était contestée par la gauche en raison de la suppression d'un symbole: la version locale du RMI à la française, cette allocation sans limite de temps et liée à une contre-prestation plus ou moins théorique ou artificielle, qui est un palliatif très critiquable d'action sociale.
La tâche des opposants était rendue difficile par le fait que la loi proposée n'est nullement un outil de démantèlement de la protection sociale au service d'économies budgétaires. C'est indubitablement une loi sociale progressiste et coûteuse, qui représente simplement une orientation conceptuelle et pratique différente de celle que la gauche préconisait. Du moins alors que ce n'est pas un membre du gouvernement issu de ses rangs qui pilote le dossier: cela aurait alors pu changer tant l'approbation des députés de droite pour le projet que la compréhension de la gauche pour le pragmatisme social... On touche là à une des limites de la "démocratie de concordance" à la suisse contraignant des partis concurrents à une coalition informelle dans un exécutif collégial, mais aussi à cette "triangulation" constante qui requiert de jouer souvent à contre-emploi.
Salaire minimum légal
Le dernier objet est une escarmouche préliminaire et locale sur objet qui va occuper toute la Suisse dans les années qui viennent (le débat existe aussi en Allemagne): la décision de rejoindre ou non les pays dont les autorités fixent un salaire minimum, à l'image du Smic en France, du minimum wage introduit au Royaume-Uni par le gouvernement de Tony Blair (et conservé par Cameron) ou de l'équivalent américain - et selon quelles modalités: un minimum vraiment bas, selon le modèle anglo-saxon (£6.08/heure actuellement au Royaume-Uni pour les travailleurs de 21 ans et plus, soit quelque 8.75 CHF ou 7.10 €), qui donne un bon résultat socio-économique? Le modèle français (9,19 €/heure dès le 1.1.2012), aux effets plus contestables? Ou la confusion entretenue plus ou moins inconsciemment en Suisse par une partie de la gauche et des syndicats entre la notion de salaire minimum légal et celle de revenu minimum souhaitable: ils articulent un montant de 4'000 CHF par mois, soit quelque 3'300 € au cours de 1.20 CHF ou 2'600 € si l'on prend le cours historique de 1.50 CHF.
Les syndicats suisses, qui étaient historiquement très attachés à l'autonomie des négociations entre ce que l'on appelle en Suisses les "partenaires sociaux" (organisations d'employeurs et de travailleurs), ont considérablement évolué sous l'influence de la mondialisation, du changement des générations, de la prise de responsabilités par des militants issus de l'extrême gauche comme aussi du durcissement des conceptions en la matière dans la gauche traditionnelle. Ils ont lancé leur propre initiative populaire fédérale dans ce sens. Des initiatives cantonales font partie d'une stratégie de préparation du terrain: cela a échoué à Genève (sans doute aussi parce que l'absurdité de ce "socialisme dans un seul canton" totalement internationalisé et quasiment enclavé en France y était particulièrement flagrante), mais a réussi dans le canton de Neuchâtel qui votait également aujourd'hui sur une proposition identique.
[1] Dont je suis une fois de plus redevable à l'ami Martin, merci!
samedi 12 novembre 2011
François Brutsch | 00h58 | europe, europe | permalien | rss
L'Europe des régions peut réussir là où l'assemblage UE - Eurozone échoue
Au point où on en est de la triple crise (crise financière, crise de la dette publique européenne et de l’euro, crise économique), les fantasmes les plus fous paraissent possibles. Le départ de certains pays de la zone euro, la Françallemagne ou le meltdown complet ne sont soudain plus invraisemblables.
En même temps on doit bien se rendre compte que le duovirat Merkozy, le diktat des deux plus importants Etats de l’UE, même édulcoré au travers du Groupe de Francfort, n’est tenable que de manière passagère, en période de crise. S’il faut revoir radicalement la construction européenne pour éviter qu'elle s'écroule, alors il faut aller jusqu’au bout: dépasser, dissoudre les Etats-nations qui ont fait la perte de l’Union européenne pour réussir, au travers d’Etats régionaux qui assumeront toutes les compétences non déléguées à l’Union, les Etats-Unis d’Europe prophétisés par Victor Hugo et conceptualisés notamment par Denis de Rougemont.
Si un noyau dur doit se constituer autour de la France et de l’Allemagne avec certainement le Benelux (l’expression existe-t-elle encore?), sans doute l’Autriche et quelques autres (et même après tout l’Italie et la péninsule ibérique), il me semble essentiel de supprimer un niveau intermédiaire de bureaucratie, de revoir les équilibres (résolvant au passage des problèmes tel que celui de la Belgique) et d’éviter de retrouver les conflits d'orgueils nationaux: Merkel et Sarkozy en sont-ils capables, telle est la vraie question. Personnellement je pense que oui, ils sont tous les deux modernes et pragmatiques.
Je verrais bien une période transitoire après la mise en place du nouvel Etat par adoption d’une Constitution en référendum, à la majorité de l’électorat européen - constitué par les populations des Etats dont les autorités nationales auront pris l’ultime décision: participer au vote et s'effacer en cas de "oui". La Constitution européenne devrait prévoir trois ans pour conduire, dans les régions et à partir d’un schéma initial que n’importe quel technocrate peut produire en 24 heures mais qui n’a aucune légitimité, un processus itératif au terme duquel, par des référendums locaux, le nombre et les contours de ces nouvelles entités seront déterminés. En particulier, l’essentiel des frontières actuelles doivent être effacées par des régions transfrontalières.
Au demeurant, la Constitution devra garantir que l’Europe post-1989 et post-2008 n’entend pas tourner le dos à l’économie de marché et au libre échange qui sont liés à la démocratie, à la protection sociale, à la prospérité et à la paix: non seulement avec le second cercle des pays européens voisins, mais aussi avec le reste du monde.
lundi 24 octobre 2011
François Brutsch | 18h19 | europe, europe | permalien | rss
Comment un pays peut-il ou doit-il organiser un référendum? Le problème ne se pose pas que pour le Royaume-Uni
Atmosphère des grands jours à la Chambre des Communes: on y débat de 16h30 à 22h d'une motion réclamant un référendum sur la participation britannique à l'UE, qui sera massivement rejetée. L'actualité veut que ce point soit précédé à 15h30 du traditionnel (dans le Parlement britannique, tout au moins!) compte-rendu du Sommet européen, y compris un bref débat. Il n'y a aucun suspense sur le résultat, le gouvernement comme l'opposition ayant décidé qu'un vote favorable serait un acte d'indiscipline, mais le débat devrait être riche et, côté conservateurs, c'est un test de l'autorité du premier ministre et de la division du parti.
Cette motion relève d'une catégorie particulière d'objets parlementaires: ce n'est une proposition ni du gouvernement ni de l'opposition, ce n'est pas non plus le fruit du travail d'une commission. Elle émane de députés de base et s'est vue allouer une case dans l'ordre du jour à la suite d'une institution informelle qui remonte déjà au gouvernement de Tony Blair: la possibilité de présenter, via le portail Internet du gouvernement, une "pétition électronique", ouverte ensuite à l'adhésion des internautes. C'était au départ une forme de sondage pour faire émerger les questions qui préoccupent l'opinion[1], il a fallu que Cameron surenchérisse et décide que toutes celles qui recueilleraient plus de 100'000 signatures seraient transmises au Parlement pour être considérées dignes d'un débat: ainsi en a-t-il été de la pétition réclamant un référendum sur l'UE.
La motion destinée à lui donner suite, proposée par des députés conservateurs mais aussi travaillistes, a la teneur suivante:
NATIONAL REFERENDUM ON THE EUROPEAN UNION
That this House calls upon the Government to introduce a Bill in the next session of Parliament to provide for the holding of a national referendum on whether the United Kingdom should
a. remain a member of the European Union on the current terms;
b. leave the European Union; or
c. re-negotiate the terms of its membership in order to create a new relationship based on trade and co-operation.
L'opposition du gouvernement est fondée à la fois sur des raisons d'autorité (et de pacification au sein de la coalition, les libéraux-démocrates de Nick Clegg étant eux essentiellement europhiles; les deux partis sont convenus qu'il n'y aurait pas de vague pendant la durée de la législature), des raisons de pure opportunité (vraiment pas le moment avec la triple crise de l'euro, de la dette publique et de la situation économique) et des raisons de fond: quitter l'UE n'est pas une option acceptable et un mandat de renégociation unilatéral non plus; le gouvernement s'est en revanche engagé à faire adopter une loi soumettant par avance tout futur transfert de compétence à un référendum et cela doit suffire. Et Cameron soulignera qu'en sens inverse il compte bien utiliser les ajustements et réformes des traités qui se préparent pour des transferts dans l'autre sens: obtenir que les Etats (ou en tout cas le Royaume-Uni) récupèrent des compétences précédemment transférées aux organes de l'UE.
Du point de vue du juriste suisse, habitué de surcroît à la démocratie directe, ce que les médias britanniques présentent comme un référendum en trois questions ressemble bien davantage au vote sur une proposition (quitter l'UE: oui/non) et un contreprojet (renégocier: oui/non)[2]: le maintien du statu quo quant à lui n'est pas tant une question distincte que le résultat d'un rejet tant de la proposition que du contreprojet. Cette forme de vote est celle qui s'applique en Suisse à une initiative populaire (la proposition principale) que le Parlement a décidé non d'accepter (ce qui est évidemment paradoxal car alors pourquoi la proposition n'émane-t-elle pas directement du Parlement?[3]), non de combattre sèchement, mais de lui opposer un projet de son crû en invitant le peuple à se déterminer.
Pendant longtemps, ce type de votation populaire restait critiquable car le statu quo était favorisé ou le résultat insatisfaisant: soit l'électeur avait l'interdiction de voter deux fois oui (ce qui divisait les partisans du changement) soit, régime alors appliqué dans certains cantons, il était autorisé et si les deux objets étaient approuvés c'était celui qui avait le plus de oui qui entrait en vigueur, mais cela pose aussi un problème de logique et d'équité. Jusqu'à ce qu'un des rares cas ou une démonstration purement scientifique a convaincu les politiciens, les médias et l'opinion et qu'une nouvelle procédure soit introduite (par votation populaire, en 1987, évidemment) tant au niveau national que dans les cantons: les frères Haab, l'un mathématicien et l'autre juriste, ont montré dans des travaux universitaires qu'il était préférable d'ajouter une question subsidiaire, ce qui permet l'expression la plus complète et la plus fidèle de l'opinion de l'électeur individuel comme de l'électorat dans son ensemble. En l'occurrence cela donnerait:
1. Voulez-vous quitter l'UE? oui / non
2. Voulez-vous renégocier le statut de membre de l'UE du Royaume Uni? oui / non
3. Au cas où les deux propositions sont adoptées, laquelle préférez-vous: 1 / 2
Mais ce à quoi je veux surtout en venir, c'est qu'il faut cesser d'improviser une procédure de manière opportuniste, en décidant dans le feu de l'action de tenir un référendum ou non, et d'en déterminer les modalités au cas par cas. A cet égard la loi décidée par la coalition va dans le bon sens mais laisse encore ouverte la possibilité qu'une révision d'un traité ne soit pas soumise au peuple non parce qu'elle serait purement formelle ou procédurale mais parce qu'on craint le rejet[5]. C'est dans le traité européen lui-même que les Etats membres devraient convenir de soumettre toute révision au référendum, le même jour dans toute l'Union, la révision n'entrant en vigueur que si tous les Etats membres l'approuvent.
[1] Et évidemment montrer que les politiciens sont à l'écoute, mais il y a aussi une perspective moins cynique: montrer au gouvernement sur quels points il doit renforcer soit son action soit au moins sa communication.
[2] Ou l'inverse, après tout: proposition principale, renégocier, contreprojet, quitter l'UE.
[3] Le cas s'est produit pour l'adhésion de la Suisse à l'ONU, après que le peuple a refusé une première tentative.
[4] Mais il peut aussi préférer la politique du pire, ou alors pousser l'abnégation jusqu'à vouloir éviter une telle complication à l'UE, et choisir 1!
[5] Il est aussi délicat et dangereux de devoir interpréter le contenu d'une modification: je vois d'ici un gouvernement estimer que tel révision du traité n'a pas à être soumise au référendum car les avantages (les compétences éventuellement récupérées) l'emportent sur les inconvénients....
dimanche 23 octobre 2011
François Brutsch | 22h24 | droit/politique | permalien | rss
Sans doute les belles âmes auraient-elles préféré que Kadhafi meure de vieillesse, surveillé à grands frais et oublié de tous dans un pénitencier tel Rudolf Hess à Spandau. Les mêmes qui revendiquent un procès n'ont pourtant que mépris pour celui, pourtant bien réel, qui a condamné Saddam Hussein à être pendu. S'il y a une échelle dans l'indignité, je trouve pour ma part que le lynchage spontané par une foule violente du tyran libyen stoppé dans sa fuite est préférable à l'exécution de sang froid (commandée par les uns dans une parodie de procès, exécutée sans délai par d'autres) du génie des Carpates, le roumain Ceaucescu. Et je préfère cela aussi à Franco mort dans son lit, comme à l'exil doré des Duvalier et autres Ben Ali.
samedi 22 octobre 2011
François Brutsch | 18h26 | droit/politique | permalien | rss
Pays conservateur, la Suisse résiste aussi à la tentation populiste: l'UDC en recul
Aujourd'hui on ne vote pas qu'en Tunisie! Voici la traditionnelle galerie de photos de campagne électorale dans le canton de Genève[1], prétexte à un peu de vulgarisation sur les curiosités institutionnelles de la Suisse, qui ne laissent aucune place au lyrisme des lendemains qui chantent (ou au drame des surlendemains qui déchantent).
Ce que l'on appelle les élections fédérales, c'est avant tout l'élection dans tous les cantons des membres de la Chambre basse: 200 conseillères et conseillers nationaux. C'est aussi, dans la plupart des cantons, l'élection des membres de la Chambre haute (46 conseillères et conseillers aux Etats). Mais alors que les premiers font l'objet d'un scrutin uniforme qui obéit à des règles fédérales, les seconds sont régis par le droit cantonal: ce n'est que progressivement que l'élection populaire (plutôt que la désignation par le parlement cantonal) s'est généralisée, de même que la simultanéité avec le scrutin pour le Conseil national. Un seul canton fait bande à part, pour élire son unique conseiller aux Etats lors de l'assemblée des électrices et électeurs, connue sous le nom de Landsgemeinde, qui se tient au printemps); deux cantons pratiquent le scrutin proportionnel de liste pour élire leurs deux députés[2], dix-huit cantons le scrutin majoritaire à deux tours, mais avec des règles différentes pour l'élection dès le premier tour ou l'accès au second, et six cantons n'élisent, pour des raisons historiques, qu'un député. Les deux Chambres, strictement égales en droit et en compétences (ce n'est pas le cas en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis, et encore moins au Royaume-Uni), forment l'Assemblée fédérale qui siège en un seul corps pour l'élection des membres du gouvernement fédéral et des magistrats du pouvoir judiciaire fédéral[3].
Par rapport aux autres démocraties, il y a toutefois deux particularités sur lesquelles je voudrais insister:
Une autre particularité non négligeable est le mode de vote à la proportionnelle: contrairement à ce qui se passe en France ou en Allemagne, ce sont les électrices et les électeurs qui ont le dernier mot sur les partis au moment de décider qui, concrètement, sera élu. Car ils ne sont pas obligés de voter pour une liste en bloc (ils peuvent même ne pas choisir un parti, ne votant que pour un ou des candidats individuels). Et cela rend aussi l'expression de la représentation populaire moins carrée ou plus confuse, entre ceux qui votent à la fois pour des candidats de gauche et des candidats de droite et ceux qui ne votent pas pour autant de candidats qu'il y a de sièges de leur canton sans désigner de parti bénéficiaire du solde de leurs suffrages.
Tous ces facteurs se combinent pour ne livrer que des changements incrémentaux à chaque élection, au grand chagrin des commentateurs, bien loin des "tremblements de terre" politiques que l'on peut connaître ailleurs. On glosera donc, dans les cantons, sur les résultats individuels si tel "sortant" est battu par un colistier et, au niveau national, sur des variations de quelques sièges de l'UDC, du PS, des libéraux-radicaux et du PDC, et des deux dissidences que représentent le parti bourgeois démocratique et les Vert'libéraux pour passer sans transition aux combinazione présidant à l'élection des membres du Conseil fédéral: un siège socialiste romand est à repourvoir, l'UDC obtiendra-t-elle le deuxième siège auquel elle aspire, et si oui sera-ce au détriment d'Eveline Widmer-Schlumpf (PBD) ou de Johann Schneider-Ammann (PLR), sinon ira-t-on à l'inverse vers l'exclusion de l'UDC du gouvernement au profit d'un deuxième siège PDC, voire de l'entrée d'un Vert...
Tous les électeurs et électrices ont reçu à domicile, avec les bulletins de vote imprimés par les partis et une liste blanche à compléter, une brochure officielle d'information. Le vote, par correspondance, est en cours depuis plus de deux semaines. Ce matin il est également possible de voter dans des bureaux de vote. Le scrutin est clos à midi, les résultats du Conseil national seront connus dans l'après-midi, de même que les premiers résultats des élections aux Conseil des Etats: voir les résultats pour Genève de l'élection au Conseil national et au Conseil des Etats, et les résultats nationaux officiels.
Sur les affiches genevoises, l'accent est mis sur les candidats locaux, tout simplement, sans grand souci de message politique. L'exception, avec l'extrême gauche et une affiche écologiste, c'est comme d'habitude l'UDC qui se signale par deux affiches fortes[5]. J'ai cette fois tenté d'organiser la série, de l'extrême gauche à l'UDC, avant de terminer par les affiches atypiques: le MCG, parti populiste anti-frontaliers bien implanté mais récent et purement local, un parti "évangélique" qui n'a traditionnellement d'élus qu'à Zurich, un parti tout neuf constitué autour du numérique qui lui aussi n'a guère de chance qu'à Zurich, une liste marginale et les Verts libéraux, parti national né à Zurich à la charnière entre droite et gauche (qui pourrait avoir une petite chance de percer à Genève, tant les Verts sont un parti de gauche traditionnel et la droite du centre mal remise de la fusion entre libéraux et radicaux, mais je n'y crois pas trop). A signaler l'absence, cette année, de listes distinguant les candidatures masculines et féminines[6] mais l'existence de listes jeunes et transfrontalières: cela s'explique par la possibilité d'apparenter les listes, ce qui permet de ratisser plus large tout en regroupant les suffrages pour maximiser l'effet lors de la première répartition; mais les jeunes par exemple ont peu de chance d'avoir un élu.
Pour conclure sur une note plus légère, j'emprunte ces deux affiches vaudoises à l'ami André: on connaissait déjà, de John Kennedy à DSK en passant par Clinton, Mitterrand ou Chirac, le priapisme qui accompagne souvent l'ambition des hommes politiques, mais la relève est assurée. Comme naguère les Jeunes socialistes genevois, les Jeunes UDC vaudois n'hésitent pas à placarder leur obsession pour le sexe.
Je prévoyais de mettre en ligne ce billet à la mi-journée, sans attendre les résultats, mais puisque des raisons matérielles m'en ont empêché autant commenter les premières tendances! Je suis ravi que la résistible ascension de l'UDC se confirme, comme nous étions peu à le prédire: elle perd des suffrages et des sièges. Et oserai-je dire que je suis content que le PLR se maintienne devant le PDC? Cela ôte définitivement un prétexte aux défaitistes prêts à le priver d'un siège au Conseil fédéral pour l'offrir à l'UDC. Moi je suis au contraire partisan de confirmer Eveline Widmer-Schlumpf, dont le nouveau parti issu d'une dissidence démocratique de l'UDC réussit sa percée, quelque part complétée par l'émergence des Verts libéraux entre la gauche et ls droite, et de remplacer l'actuel membre UDC du gouvernement par un second PDC, dotant ainsi le pays d'un gouvernement cohérent (2 PS, 2 PDC, 2 PLR, 1 PDB) susceptible de rassembler des majorités variables tant au Parlement qu'en votation pour faire face aux problèmes de l'heure.
[1] Merci à mon ami Martin!
[2] Ce qui est plus démocratique: il faut deux tiers des voix pour monopoliser les deux sièges, un courant rassemblant plus d'un tiers des voix est assuré d'un siège.
[3] Dont le Ministère public fait partie.
[4] Une moitié d'entre eux au scrutin majoritaire uninominal, qui dans des cas limite viennent corriger la stricte répartition proportionnelle et augmentent le nombre de députés pour la législature.
[5] Et en réalité il y en a d'autres; cette collection ne regroupe que l'affichage officiel gratuit, une particularité du canton de Genève, mais il existe également à côté un affichage commercial d'image, lui national, utilisé uniquement par l'UDC et le parti libéral-radical qui sont seuls à en avoir les moyens financiers.
[6] Qui avaient pour but d'assurer une certaine parité.
vendredi 21 octobre 2011
François Brutsch | 20h02 | médias | permalien | rss
Correspondance croisée PMF - Françoise Giroud - JJSS
Mardi 24, 21h: L'Express me récrit qu'après vérification c'est bien une lettre à PMF... Il faut vraiment que je me procure le bouquin!
Par une alerte Google, j'apprends que L'Express publie une lettre inédite de Jean-Jacques Servan-Schreiber depuis l'Algérie française. Je vais voir, elle est effectivement passionnante. Et elle fait partie d'un volume de correspondance croisée entre Mendès France, Françoise Giroud et JJSS publié par Eric Roussel et que je vais me procurer sans tarder (Laure Adler avait fait allusion à ces échanges dans son Françoise que j'ai lu récemment).
Mais dans la brève présentation qu'en donne Emmanuel Hecht, il y a deux erreurs manifestes:
J'ai laissé hier un bref commentaire sur le site de L'Express, retenu pour validation, puis remarquant un lien pour la correction des fautes, erreurs et bugs, je répète ma démarche. Quelques heures plus tard mon commentaire était en ligne, et ce matin je reçois un courriel: "Nous allons vérifier l'information que vous nous avez communiquée et corriger notre erreur le cas échéant". Depuis mon commentaire n'est plus en ligne, mais l'erreur n'est toujours pas rectifiée. Se trouverait-elle (déjà) dans la version papier? Et l'ennui c'est qu'Emmanuel Hecht n'est pas un quelconque stagiaire mais le rédacteur en chef Livres, ancien de Sciences Po Paris et de ma génération (Google est mon ami), donc inexcusable de commettre deux bourdes pareilles...
Billet d'abord posté sur Google+: j'espère qu'il y aura bientôt un outil permettant de faciliter ce genre de croisement!
jeudi 20 octobre 2011
François Brutsch | 19h47 | pink power | permalien | rss
Laissé ce commentaire sous un post Google+, après lecture de l'article qui était signalé sur un accord entre le groupe rap Sexion d'assaut et des associations LGBT françaises:
Intéressant, mais ça me laisse assez ambivalent: d'un côté une victoire méritée qui pousse ses revendications de manière jusqu'auboutiste (retirer même des CD qui n'ont plus qu'une vente résiduelle, et même apparemment faire effacer ce qui a été téléchargé illégalement - mieux qu'HADOPI!); de l'autre les commentaires sont assez terrifiants: ce n'est pas assez, seul le suicide, ou l'autocritique type Révolution culturelle maoiste, suivi du travail aux champs pendant quelques années, serait assez bon pour eux!
vendredi 7 octobre 2011
François Brutsch | 19h36 | divers | permalien | rss
De David Servan-Schreiber à Steve Jobs
Commencé la veille de la mort de Steve Jobs et terminé le lendemain On peut se dire au revoir plusieurs fois, le livre d’adieux de David Servan-Schreiber... Frappé déjà depuis bien avant, bien sûr, par les similitudes entre les deux hommes, je me demande s’ils se sont jamais rencontrés? J’imagine en tout cas que JJSS, le père de David, devait le connaître: l’une de ses batailles hélas perdue avait porté sur l’achat de Macintosh pour l’Education nationale française (lorsqu’il était président du Centre Mondial Informatique & Ressource Humaine), avant qu’il s’expatrie provisoirement à Carnegie Mellon.
Je ne suis pas particulièrement fan de Jobs (dont je n’ai jamais acheté aucun produit - j’ai en revanche “vendu” plusieurs Mac à des connaissances qu débutaient dans l’informatique), mais ça ne m’empêche pas d’admirer son talent et d’être reconnaissant de l’influence qu’il a eue pour faire toute sa place à la beauté et à la simplicité dans la technologie. Né la même année que Jobs (ou Gates), ma galaxie, c’est plutôt Jean-Jacques Servan-Schreiber (mais toute la tribu m'intéresse), Giroud (à propos de laquelle j’ai lu récemment l’excellent Françoise de Laure Adler) ou Jean-François Revel, pour lesquels j’ai pu apprécier combien le web aide à faire ce deuil bizarre et pourtant authentique que l’on ressent pour des personnalités qui ont eu souvent plus d’influence sur une vie que des proches...
jeudi 8 septembre 2011
François Brutsch | 23h56 | droit/politique | permalien | rss
Pourquoi la Suisse ne doit pas voter oui à l'AG de l'ONU (réponse à Pascal Décaillet)
Je suis présentement en vacances[1], mais méditais pour mon retour un billet à propos du vote programmé à l'Assemblée générale de l'ONU sur l'admission de l'Autorité palestinienne comme membre à part entière. Je pensais partir d'une comparaison avec la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo, sur laquelle la Suisse a été, à juste titre, parmi les premiers sinon la première.
Eh bien Pascal Décaillet m'oblige à avancer tout ça. Car il est tombé dans le piège de l'analogie paresseuse sans voir qu'au contraire tout ici diffère. Et d'abord la question: l'indépendance du Kosovo et l'autorité de son gouvernement sont effectives et reconnues par des dizaines d'Etats (pas même tous les membres de l'Union européenne, cependant) mais cet Etat n'est pas encore membre de l'ONU et pas près d'y être admis en raison des vetos de la Russie et de la Chine; l'Autorité palestinienne, qui jouit déjà auprès du système onusien du statut le plus reconnu auquel un pré-Etat peut aspirer, veut plus, en violation des règles de l'ONU (c'est le Conseil de sécurité qui peut proposer à l'Assemblée générale l'admission d'un nouveau membre[2], mais il s'agit de lui forcer la main, d'embarrasser ce brave Obama), mais surtout sans réunir encore les caractéristiques d'un Etat, ce dont témoigne de manière caricaturale la sécession de Gaza dont le Hamas s'est emparé. Cette démarche n'est pas une étape vers l'accession à un Etat de plein droit mais une petite manoeuvre vaniteuse distrayant l'attention, doublée d'une provocation vis-à-vis d'Israël alors que la paix n'est pas encore là et que c'est avec lui qu'elle devra bien être négociée - sans pouvoir être imposée.
La Suisse reconnaît des réalités: le pouvoir du gouvernement Mao sur la Chine continentale dès 1949, le gouvernement du Kosovo dès l'achèvement de la période de transition ouverte par la défaite de la Serbie. Comme petit Etat à cheval sur le Droit, elle serait folle de changer de stratégie à propos du Moyen-Orient, au détriment de ce qui importe véritablement: les conditions permettant l'existence de deux Etats vivant en bonne intelligence, l'Etat d'Israël et l'Etat de Palestine. On les connaît: le respect mutuel des exigences de dignité et de sécurité, qui passent par l'abandon pour les Palestiniens de voir Israël disparaître et l'acceptation par Israël d'un territoire viable pour l'Etat palestinien.
Il y a pourtant un parallèle pertinent, mais il est bien moins émotionnel et ne parle donc pas à des journalistes et une opinion chauffés à blanc en qui assimilent les Palestiniens à des bébés phoques. Il est à faire avec cette autre région dans laquelle la diplomatie suisse s'est engagée, non sans abnégation: le Sud-Soudan. Après une guerre atroce, un référendum d'autodétermination a eu lieu, un nouvel Etat est né, même le président Abacha l'a accepté. Et le Sud-Soudan est devenu le 193e membre de l'ONU, revendiqué comme le joyau de sa présidence de l'Assemblée générale par l'ancien conseiller fédéral Joseph Deiss. Tout est bien qui finit bien? La séparation de l'Erythrée et de l'Ethiopie incite a la prudence. Mais il y aurait aussi à apprendre de comment la sécession du Pakistan oriental a donné naissance au Bengla Desh et conduit à l'admission à l'ONU de ce nouveau pays.
La Suisse, qui ne poursuit au Moyen Orient pas plus qu'au Soudan un intérêt national (comme on peut soutenir qu'elle le faisait dans son engagement au Kosovo, compte tenu de l'immigration kosovare en Suisse), mais qui en revanche s'est toujours tenue prête à apporter son concours aux efforts de paix (en dernier lieu par son appui logistique à l'Initiative de Genève de personnalités palestiniennes et israéliennes, déjà quelque peu clinquant, en quoi on a reconnu la patte de Micheline Calmy-Rey), ne doit pas renoncer par obsession médiatique à une approche factuelle et juridique. Elle devrait logiquement voter non, comme les Etats-Unis et peut-être le Canada. Je pourrais comprendre que, croyant ainsi préserver son crédit auprès de l'Autorité palestinienne sans le perdre du côté israélien, elle s'abstienne ou ne prenne pas part au vote.
Mais un Oui serait pire qu'un crime: une faute. Puisse Micheline Calmy-Rey le réaliser ou, à défaut, le Conseil fédéral la priver de cet ultime coup de pied de l'âne [3] au moment où elle quitte le gouvernement fédéral.
[1] En Israël, pour aggraver mon cas!
[2] Se rappeler que la règle démocratique du vote majoritaire n'a pas de sens à l'ONU dont nombre de membres n'expriment que le point de vue de la dictature au pouvoir.
[3] Mon co-blogueur me fait remarquer que l'expression a un sens bien plus précis que je l'imaginais et évidemment inadapté à la présidente de la Confédération: la vengeance des sujets qui n'ont plus peur du tyran déchu, l'âne symbolisant spécifiquement le bas de l'échelle sociale.
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lundi 15 août 2011
François Brutsch | 19h02 | droit/politique | permalien | rss
Un de ces particularismes exotiques que j'adore au détour d’un article du Times d’aujourd’hui sur les disparités économiques régionales en Grande-Bretagne, à propos de la suggestion d’établir un organisme regroupant des élus, des universitaires et des entrepreneurs pour stimuler la croissance dans les trois régions du nord de l’Angleterre qui marquent le pas dans la reprise comme déjà avant la crise:
Such a body last existed between 1484 and 1641. It was set up by Richard III to give more power to the north after centuries of depression.
Un tel organisme ne serait au demeurant qu’une structure technocratique de plus (un quango, comme on dit ici). Ce qu’il faudrait en réalité, c’est reprendre la démarche qu’avait lancée le New Labour: ne pas s’arrêter à la devolution à l’Ecosse, au Pays de Galles et à l’Irlande du Nord, mais organiser un pouvoir politique élu dans les régions d’Angleterre (qui aujourd’hui n’ont guère qu’une existence statistique) comme c’est déjà le cas pour la région londonienne (8 millions d’habitants). En retirant du pouvoir à Whitehall, l’administration centrale, et à Westminster, le Gouvernement et le Parlement.
A l’époque, le projet s’était enlisé, incompris et mal-aimé, sur un référendum négatif dans la première région appelée à le mettre en oeuvre (mon billet d'alors). Mais rien ne devrait empêcher le gouvernement de coalition de le reprendre en le repeignant aux couleurs de ce qu’il appelle localism...
Sur Google+ je me suis foulé d'une version anglaise
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mardi 9 août 2011
François Brutsch | 18h48 | droit/politique | permalien | rss
Il est parfaitement possible de préserver les droits populaires tout en respectant les obligations internationales du pays
Lorsque la première initiative populaire acceptée par le constituant suisse[1] se révéla d'un antisémitisme crasse et contraire à la liberté religieuse, il n'y avait pas de disposition de droit international que cela transgressait. De la même manière, la première initiative Schwarzenbach prônant une diminution de l'îmmigration ne posait qu'un problème politico-économique, pas juridique.
Dans le monde d'aujourd'hui, le droit international est bien davantage présent au quotidien et a une réelle importance politique: pactes des Nations Unies sur les droits de l'homme et autres conventions multilatérales, conventions du Conseil de l'Europe (en particulier la Convention de sauvegarde des droits de l'homme avec son dispositif de contrôle juridictionnel offrant un droit direct aux individus), ou règles de l'OMC, accords entre la Suisse et l'Union européenne expriment cette interdépendance croissante.
Entre ceux pour qui la Suisse doit être une île autosuffisante et orgueilleusement jalouse de son indépendance, représentés par le premier parti du pays, l'UDC (droite populiste, "souverainiste")[2] et quelques autres groupes activistes dans la même mouvance, et le principe de réalité du respect des engagements juridiques et des principes reconnus du droit international, le conflit était inévitable. Il s'est manifesté ces dernières années sous la forme d'initiatives populaires[3] à des degrés variables de contrariété avec le droit international:
A chaque fois, le débat opposait ceux qui se donnaient le beau rôle passablement démagogique de vouloir faire prévaloir la volonté du peuple suisse exprimée démocratiquement dans les urnes, et ceux qui se donnaient, d'un point de vue plus abstrait pour ne pas dire élitaire, le rôle peut-être encore plus beau de faire prévaloir les grands principes du droit sans lequel il n'y a pas une démocratie libérale mais une "démocrature" dangereuse; avec l'inconvénient, pour ces derniers, de s'arc-bouter de manière inévitablement conservatrice à un statu quo parfois un peu facilement présenté comme intangible.
Or tel n'est évidemment pas le cas: à l'exception tout au plus de quelques grands principes universellement admis par les Nations Unies et les juristes (même s'ils sont dans la pratique battus en brèche sur une bonne partie de la planète, sans possibilité concrète de mise en oeuvre), le droit international n'est que le fruit d'accords entre des Etats (dont les gouvernements peuvent être de parfaites dictatures, il convient de ne pas l'oublier: ni le droit international ni l'ONU ne sont l'expression d'un ordre démocratique), qui prend la forme de conventions bilatérales, multilatérales et d'organisations internationales de natures diverses, y compris d'une organisation supranationale comme l'UE. Et même cette dernière a fini, dans le traité de Lisbonne, par reconnaître cette ultime consécration de la souveraineté des Etats membres: le droit de quitter l'organisation (qui, à l'intérieur d'un Etat, même fédéral, n'existe le plus souvent pas, ou seulement dans le cadre étroit et limité, pour ne pas dire théorique, du droit à l'autodétermination).
Eh bien on y vient: la dernière initiative populaire de l'UDC, qui est la enième sur le thème populaire[4] de la limitation ou de la réduction de l'immigration, contient pour la première fois une disposition expresse sur le droit international. Car si le problème se ne posait pas dans ces termes lorsque la première initiative Schwarzenbach a été lancée dans les années 60, aujourd'hui il existe un Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne: il garantit aux Suisses qu'ils ne peuvent faire l'objet de discrimination par des pays membres de l'UE s'ils y cherchent/trouvent du travail ou ont des moyens propres d'existence, mais il interdit évidemment aussi la réciproque.
L'UDC a renoncé feindre d'ignorer le problème, voire dénier la supériorité, dans l'ordre juridique, du droit international sur le droit national. Elle le fait certes en des termes généraux et abstraits (puisque nous sommes dans un article constitutionnel, plus précisément dans une disposition transitoire) passablement hypocrites, sans en souligner vraiment la conséquence. Et ses adversaires sont amenés à reconnaître que le droit international est bel et bien réversible: ce qu'un Etat a fait avec d'autres, il peut le défaire. Une convention peut être résiliée, on peut quitter une organisation internationale -- si l'on estime évidemment que le jeu en vaut la chandelle, toute la question est là.
Il est toutefois une difficulté supplémentaire contre laquelle personne ne peut se prémunir: non seulement le peuple peut être versatile, mais il est le plus souvent libre de vouloir simultanément des choses contradictoires. Cela se manifeste dans le ménage quotidien des collectivités où le peuple peut approuver un principe, un projet, puis ultérieurement en rejeter la concrétisation telle qu'elle lui est proposée (parfois sans qu'aucune ne trouve grâce à ses yeux, ou alors seulement après un délai formidable, comme pour l'assurance-maladie). Il peut même au cours du même scrutin, si le législateur néglige de lier les deux éléments dans un même objet, approuver des dépenses tout en rejetant leur mode de financement.
Ici la difficulté sera l'appréciation des conséquences d'une approbation éventuelle de l'initiative. Il y a un premier stade, quelque peu abstrait, au moment du vote sur l'initiative: les adversaires de celle-ci n'ont aucune raison de ne pas brosser le tableau le plus complet possible non seulement des conséquences néfastes du dispositif restrictif proposé, mais aussi de son impact sur les relations entre la Suisse et l'UE, avec la perte inévitable des avantages que la Suisse y trouve. Cela peut parfaitement suffire, et l'initiative sera rejetée.
Mais si ce n'est pas le cas entre en jeu la disposition transitoire: les autorités fédérales ont trois ans pour mettre la Suisse en conformité avec la volonté du constituant sur le plan du droit international. Cela veut dire renégocier avec Bruxelles et les 27 non seulement l'Accord sur la libre circulation, mais tous l'écheveau des accords bilatéraux: ils forment évidemment un tout dans l'appréciation réciproque des gains et concessions consentis. Et les accords bilatéraux sont formels: à défaut de renégociation, la seule issue est une résiliation. Elle est parfaitement possible, elle prend même effet au bout de six mois seulement. Mais la résiliation s'applique à l'ensemble des accords ("clause guillotine")...
Il ne restera au Conseil fédéral et au Parlement qu'à trouver la forme juridique permettant de soumettre préalablement cette résiliation au vote obligatoire ou facultatif pour que le constituant soit amené à concrétiser, ou non, son vote de trois ans plus tôt, en en mesurant cette fois plus précisément les effets... Comme quoi la démocratie directe fournit bel et bien l'antidote au bluff de l'UDC.
Complément du mercredi 10 à 12h05: Voir aussi deux articles publiés par Domaine Public: Les conséquences d'une acceptation de l'initiative du 1er août et Les relations internationales sont-elles compatibles avec la démocratie?.
[1] La double majorité du peuple et des résultats cantonaux.
[2] Qui plafonne toutefois à 30% dans les parlements, élus à la proportionnelle, et peine au niveau des exécutifs.
[3] Cet instrument qui permet à 100'000 citoyens de proposer une modification de la Constitution que le Parlement a l'obligation de soumettre en votation populaire après en avoir délibéré et, le cas échéant formulé un contre-projet soumis simultanément au vote.
[4] Même si les propositions ont toujours été rejetées, après avoir cependant indéniablement influencé le cours des politiques suivies.
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mercredi 3 août 2011
François Brutsch | 19h07 | "gay, gay..." | permalien | rss
L'évolution-simplification des esprits qui s'incarne dans une extension du mariage aux couples de même sexe par rapport à un statut de partenariat ne doit pas faire croire à une avancée quelconque: ce n'est qu'une valse des étiquettes, la vraie révolution date de (19)89 au Danemark
Un commentaire laissé sous un article d'Aurélien Véron sur le site libéral Contrepoints:
Il y a dans cet article (et sans doute dans le précédent) une erreur conceptuelle que je voudrais rectifier: l’idée que la question fondamentale est celle de l’extension du mariage civil aux couples de même sexe, réalisée pour la première fois en 2001 aux Pays-Bas. Or ce n’est le cas que pour des esprits extrêmement formalistes, fétichistes d’un mot.
La véritable distinction, elle est entre les Etats qui garantissent, ou non, les mêmes droits aux couples de même sexe qu’aux couples hétéros. Et le pionnier est ici le Danemark en 1989, rapidement suivi de la Norvège puis d’un nombre toujours plus grand d’Etats démocratiques. C’est par exemple le cas depuis 2005 du Royaume-Uni (qui connaissait déjà l’adoption par deux personnes de même sexe; le débat sur le mariage ne fait donc nullement «rage», il n’est évoqué que par quelques militants pathologiques que le nominalisme égare, et quelques intellectuels «tories» qui se disent qu’un tel changement d’étiquette effacerait l’image désastreuse du parti conservateur sur les libertés personnelles). C’est même le cas depuis 2007 dans un pays particulièrement conservateur, la Suisse: seul Etat au monde où la décision n’a pas été acquise par je jugement d’une Cour suprême ou un vote parlementaire, mais dans un référendum gagné haut la main.
Que le statut des couples de même sexe s’appelle partenariat civil ou enregistré alors que le statut des couples hétéros s’appelle mariage est en réalité irrelevant. Et s’il doit y avoir une évolution vers la dématrimonialisation du mariage et son application aux deux formes de couples, ce n’est qu’une simplification (?) sémantico-juridique, pas une extension des droits garantis par la collectivité (que des libéraux non libertariens peuvent fièrement revendiquer).
La France, elle, se signale par son Pacs particulièrement rétrograde. Introduit sous Jospin en 1999, dix ans après la révolution tranquille née au Danemark, ce n’est qu’un sous-statut sans véritables droits (p.ex. pour le partenaire étranger), tout en confirmant l’inégalité entre les deux types de couple par ailleurs: pas de statut ou Pacs pour les couples de même sexe, pas de statut, Pacs ou mariage pour les hétéros.
La surenchère au mariage à laquelle on assiste en France n’est dès lors qu’un pitoyable rattrapage qui témoigne de l’embarras tardif de la classe politique.
Enfin je suis comme Alexandre surpris que vous paraissiez citer élogieusement une disposition suédoise sur le mariage religieux: pour moi la séparation de l’Eglise et de l’Etat fait partie du corpus libéral.
L'occasion aussi de souffler les 8 bougies de ce blog, né le 3 août 2003. Il a évolué, il évoluera encore!
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dimanche 31 juillet 2011
François Brutsch | 23h55 | divers | permalien | rss
Le DVD est sorti
Henri Tachan c’est un auteur compositeur interprète de chansons à texte: depuis 1965 une voix, une émotion que l’on retrouve sur les CD.
C’est aussi une présence fabuleuse pour celles et ceux qui l'ont vu en concert. Mais il a décidé fin 2008 d’arrêter la scène - à sa manière, sans prolongations ni tournée d'adieu.
Auparavant, son récital de Besançon le 27 mai 2008, accompagné par son "orchestre symphonique à lui tout seul", le pianiste Antoine-Marie Millet, a été "mis en boîte" et est aujourd'hui splendidement restitué par Christophe Régnier dans un DVD de 22 chansons. Qui sera suivi d’un second en forme de portrait.
Pour la commande, c'est ici!
samedi 16 juillet 2011
François Brutsch | 18h26 | médias | permalien | rss
J'avais l'impression que cela faisait peut-être une semaine, mais en réalité c'est depuis le 1er juillet que je suis sur Google+ via mon téléphone Android, ma tablette Adam et mon ordinateur... Et alors que j'ai toujours été allergique à Facebook et quelque peu réticent à Twitter, je suis ravi de ce nouvel outil!
"Réseau social", ça ne dit pas grand chose. Mais là où Facebook propose une sorte d'horizontalité réciproque déraisonnable (tous les "amis" au même niveau, et ça doit être mutuel) et où Twitter, outre la limitation à 140 caractères, envoie des bouteilles à la mer sans sélection possible des destinataires sauf message privé et permet à quiconque de vous suivre, G+ propose du sur mesure en vous invitant à ranger vos contacts dans des cercles:
Et tout cela splendidement multimédia et interactif, encourageant le partage et l'échange, augmenté d'un vidéochat jusqu'à 10 personnes.
Les cercles permettent aussi de trier/parcourir commodément le flux de messages que vous recevez de vos contacts.
Bon, j'arrête là (voir ici si vous en voulez plus). De toute façon, c'est encore la période de rodage, des changements et de nouvelles fonctionnalités vont venir prochainement avant le lancement public, d'ici la fin du mois. Mais si vous avez besoin d'une invitation, laissez un commentaire!
dimanche 10 juillet 2011
François Brutsch | 23h59 | médias | permalien | rss
Dernière modification: lundi 11, 10h50
Je voulais l'acheter, pour la première et la dernière fois (sinon je ne l'avais jamais que parfois feuilleté chez le coiffeur), mais pas moyen: la dernière édition commémorative du meilleur et du pire de 168 ans de journalisme populaire dans le News of the World est partie comme des petits pains et était rapidement épuisée malgré un tirage supplémentaire de deux millions d'exemplaires.
Hier, dans un commentaire publié par The Times, Matthew Parris crève la première baudruche de l'indignation unanime que suscitent les pratiques de l'hebdomadaire, en rappelant combien sont généralisées, et généralement peu critiquées, les méthodes douteuses de journalistes pour se procurer l'information quand la fin le justifie, précédents à l'appui:
(T)humbing through a book I wrote about parliamentary scandals, I’ve found the chapter on David Mellor, the Majorite minister caught in a steamy affair with an actress in 1992. Remember, do you, how he was caught? "Her telephone in the ... flat where she lived and where he frequently visited her had been bugged. Her landlord had co-operated in this with journalists . . ."
Bugging a phone is by several orders of seriousness a graver intrusion than accessing messages, but this was never the story: it was Mr Mellor, we thought, who was the proper target of our indignation.
Or go back to the fall of the minister Lord Lambton, after sex with the wife of Colin Levy, in 1973. "Levy and an accomplice hid ciné equipment and a microphone and offered the film show to the News of the World for £30,000. The pictures were not good enough so the newspaper installed its own equipment in the flat. The following day a NoW photographer hid in the wardrobe behind a two-way mirror and took pictures of the minister cavorting on the bed . . ." When the newspaper dropped the story, Levy sold the pictures to the Sunday People.
Or go forward to the fall of Harvey Proctor, a Tory MP, in 1986: "One of the People’s informants was an 18-year-old rent boy ... Armed with the People’s hidden tape recorder he had visited Proctor ... Wired for sound [he] assured the MP that he was over 21 . . ."
It would be tedious to remind you of journalists gaining access to the credit card statements of Norman Lamont, then the Chancellor. In vain did Mr Lamont complain that the scandal was not whether he had paid a bill (he had) but how the press had acquired his private records. Nor will I belabour you with the 1997 story of "The Knicker Vicar of North Yorkshire" ([reporters] glued a tiny video camera to the inside of a bookshelf in the master bedroom ... and somehow ... they took away with them verbatim extracts from Mrs Roberts’s diary entries . . .").
Et sa conclusion:
The shock this week that should cause real rather than synthetic indignation is the death of a great national newspaper founded more than 160 years ago to bring the newly literate working class into the world of news and comment — and consistently sneered at by the educated elite: their proxy for hating their own proletariat. We’ve been alone in the West in keeping national papers before the eyes of a reading public composed of the masses. Many will never transfer to another paper. Their papers have subsidised ours. This could be the beginning of the end for all of us in print journalism.
Bien sûr ce qui a fait déborder le vase, c'est la révélation cette semaine que l'attention du NoW s'est portée non seulement sur des politiciens, membres de la famille royale, vedettes du sport et du showbiz, qui sont au fond fair game, mais aussi sur les victimes de faits divers particulièrement atroces (enlèvements et meurtres d'adolescentes et préadolescentes) et leurs proches, allant, en effaçant les messages sur un répondeur saturé pour permettre l'enregistrement de nouveaux, jusqu'à dérouter l'enquête policière, amenée dès lors à imaginer que la victime était encore en vie et donner de faux espoirs aux parents, et soldats morts en Afghanistan et leurs proches.
Mais cela ne justifierait pas autre chose que la rigueur de la loi pénale et ne se serait pas transformé en affaire d'Etat (avec commission d'enquête parlementaire indépendante et menace de régulation étatique sur les journaux) s'il n'y avait une deuxième hypocrisie, bien plus intéressée, qui unit des deux côtés de l'Atlantique l'ensemble des médias concurrents de News International, le groupe bâti par Rupert Murdoch, par ailleurs haï par l'intelligentsia pour ses opinions de droite bien connues, sans oublier l'opposition britannique ravie de mettre le premier ministre David Cameron dans de sérieuses difficultés: il était entré à Downing Street avec comme bras droit chargé de la stratégie et de la communication un ancien rédacteur en chef du NoW. Il a démissionné depuis, mais le mal était fait et Cameron l'a longtemps défendu. Or il se révèle compromis dans le scandale malgré ses dénégations répétées, et sur un point particulièrement délicat pour quelqu'un qui allait aspirer à des fonctions au service du pouvoir politique: la corruption de policiers qui servaient d'informateurs aux journalistes.
News International est un groupe multiforme qui ne se limite nullement aux médias d'information mais est actifs dans les loisirs ou l'éducation et ne saurait se réduire à un véhicule idéologique des vues du patron, à la Berlusconi (à côté de Fox, le New York Post ou le Sun et le NoW, il y a le Times et le Wall Street Journal, notamment). Il accumule légitimement les ennemis: l'acquisition du Wall Street Journal, justement, perturbe tant le New York Times que le Financial Times; au Royaume-Uni, même la BBC (dont le poids médiatique national est sans comparaison, avec l'argent de la redevance) s'est unie au Guardian et à tous les autres pour s'opposer au désir de Murdoch, déjà principal actionnaire, d'acquérir la totalité du réseau TV BSkyB, qui est maintenant remis en cause.
Avec un splendide autogoal: le deal prévoit que dans ce cas News International devra cependant rendre indépendant et vendre le volet proprement journalistique de la chaîne, Sky News, alors qu'il le conservera sinon...
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