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III. Définir les natures/cultures de l'homme

Le syndrome Micromégas

Les glissières du rapport nature/culture : l’exemple du cannibalisme
Georges Guille-Escuret
p. 182-205

Résumés

L’expérience historique montre que, régulièrement, les débats théoriques sur le rapport nature/culture s’immobilisent en des antagonismes bipolaires et que ceux-ci se superposent comme s’il n’y avait en définitive qu’un seul duel avec de multiples facettes. Nous sommes tellement habitués à cette situation que nous finissons par la ressentir comme une évidence implacable. Au mieux, nous l’interprétons comme l’issue d’une confrontation idéologique permanente. Cependant, on oublie alors qu’une confrontation de cette sorte ne peut s’installer qu’en obtenant un minimum de garanties de part et d’autre: il faut que les ennemis soient tacitement d’accord sur certaines « règles du jeu ». Ou, plus exactement, sur les façons d’enfreindre celles qui devraient prévaloir dans le jeu scientifique.

La plus importante de ces règles, sans doute, consiste à accepter que les questions se déplacent sans contrôle d’une échelle de réalité à l’autre, d’un niveau de structuration à l’autre: du microcosme au macrocosme. Or, chaque interrogation appelle un cadre de référence spatial et temporel qui est nécessaire au contrôle de sa teneur. Et elle se transforme au fur et à mesure que l’on modifie ou que l’on déplace ce cadre.

À travers quelques débats fameux sur les « causes » du cannibalisme, cet article montre comment la discussion scientifique demeure muselée par un manque de surveillance sur ce plan et comment elle est artificiellement immobilisée par le refus général de distinguer des cadres de référence différents pour des questions s’attachant à des aspects incommensurables de la causalité.

The Micromegas Syndrome

Historical experience shows that theoretical debates on the relationship nature/culture regularly come to a halt along bipolar antagonisms and these are superposed as if there were in reality a single duel with multiple aspects. We are so used to this situation that we end up feeling it is absolutely obvious. At best, we interpret it as the result of a permanent ideological confrontation. However, we then forget that such a confrontation can be established only by obtaining minimum guarantees from one side or the other: enemies have to tacitly agree on certain « rules of the game » or more precisely, on how to break the meaningful rules in the scientific game.

The most important of these rules is no doubt accepting that questions shift independently from one scale of reality to another, from one design level to another: from microcosm to macrocosm. Or, each questioning calls for a spatial and temporal reference frame that is necessary to control its terms. And it transforms itself according to whether it is modified or shifted in this frame.

Through some well know debates on the « causes » of cannibalism, this article shows how scientific discussion remains bound by a lack of survey on this level and how it is artificially immobilized by the general refusal to distinguish different reference frames for questions bound to the immeasurable aspects of causality.

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NdlR

Le cannibalisme, de par la phobie qu’il inspire à notre civilisation, augmente les risques de dérapages théoriques et offre ainsi une sorte de loupe méthodologique devant le problème de la biologisation du social.

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Texte intégral en libre accès disponible sur le portail Cairn. Le texte intégral en libre accès sera disponible à cette adresse en janvier 2012.
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Plan

Prenez un certain nombre de généticiens…
L’analogie, zoom de la croyance: bref rappel sur la sociobiologie
Le cannibalisme: une loupe pour les impairs de la méthode
L’évidence refoulée: la stipulation du cadre de référence

Aperçu du début du texte

Image1

© Frédéric Joulian

Est-il légitime de transformer les leçons d’un événement anecdotique en un fait d’évolution, ou de transférer la conclusion d’une observation ponctuelle dans la longue durée d’un vaste monde? Sûrement pas. Pourtant, ces extensions purement analogiques sont fréquentes en sciences naturelles et en sciences humaines et cela d’autant plus que la proposition est « téléportée » des unes vers les autres. Tout ce qui tourne autour du rapport nature/culture, de la frontière animal/homme, ou de la connexion biologique/social se caractérise comme une zone de stagnation théorique: non seulement les antagonismes philosophiques semblent s’y cristalliser désespérément, mais ils paraissent eux-mêmes produire une immobilisation des tendances intellectuelles et forger des structures de pensée capable de résister à l’afflux des informations pourtant inattendues que livre régulièrement l’observation scientifique. Les cibles de la recherche ont beau avoir beaucoup changé depuis le milie (...)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Georges Guille-Escuret, « Le syndrome Micromégas », Techniques & Culture [En ligne] , 50 |  2008 , mis en ligne le 31 décembre 2010, Consulté le 16 mars 2011. URL : http://tc.revues.org/3949

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Auteur

Georges Guille-Escuret

CNRS

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