Résistances au Val Susa
Alors que le Capital, l’État et ses agents continuent de tout faire pour adapter le monde aux besoins du Progrès (qui s’est depuis longtemps révélé n’être qu’un avatar à peine camouflé de la Réaction), des zones de résistance à la folie de la Modernité apparaissent. C’est le cas actuellement (en fait depuis plusieurs années [1]) au Val Susa en Italie où l’État italien ainsi que les industriels projettent la construction d’une ligne de train à grande vitesse (TAV) reliant Lyon à Turin et censée baisser de 7 à 4h la durée du voyage.
L’aberration de ce projet est totale. S’il se concrétisait, en plus de ravager l’environnement – les tonnes de béton nécessaires à la construction de la ligne seraient une catastrophe pour les terres et les paysans, de plus la réalisation du projet entraînerait un dégagement d’amiante et de d’uranium enfouis dans le sol où va être creusé le tunnel et celui-ci va vider l’eau des montagnes qui va se retrouver dans la vallée, mais plus sous forme potable – de se faire contre les populations et , face à leur résistance, d’entraîner la militarisation de la zone, le TAV serait un symbole de ce monde que nous rejetons, de la dégénérescence technologique et marchande, de l’omniprésence du bruit, de la laideur, de la vitesse, du totalitarisme du temps abstrait et sans contenu, de la destruction du sens. Et en tant que symbole bien réel, il continuerait d’adapter l’humain à la modernité, au capital et à la marchandisation du monde.
Les raisons de s’opposer au TAV sont donc nombreuses, et c’est presque (?) l’ensemble des habitants de la vallée qui prend part à la lutte contre le chantier. S’ils n’étaient « que » 500 à 1000 le 27 juin [2] quand 2000 flics surarmée sont venus déloger le village autogéré de la « République libre de la Maddalena » (pour encaisser un gros paquet de fric, 671 millions d’euros, de la part de l’Union Européenne, l’État italien avait pour consigne de commencer les travaux avant le 30 juin) qui occupait l’emplacement où doivent commencer les travaux, leur délogement par la police provoqua une réponse immédiate de la part des habitants de la vallée : grèves et blocages des voies de circulation. Le 3 juillet, c’est entre 50 et 70 000 personnes (sur 100 000 habitants dans la vallée) qui ont manifesté contre le début des travaux, manifestation qui a à nouveau donné lieu à des affrontements contre le gang policier (qui pratique le gazage, le tir tendu, le tabassage et même le caillassage) [3]. Suite à ces affrontements des nombreuses personnes ont été blessées, parfois gravement [4]et 4 personnes ont été arrêtées [5] et sont toujours détenues. Elles sont accusées d’avoir eu des intentions de meurtre (sic) ; la mort d’une femme No-Tav de 65 ans, écrasée par un blindé des carabiniers le 29 juin [6], n’avait quant à lui provoqué dans l’appareil politico-médiatico-judiciaire qu’un silence assourdissant.
La guerre de l’information (et de la désinformation) est effectivement engagée entre le Val Susa et les médias. Comme il fallait s’y attendre, c’est à l’unisson que les médias ont tenté de diffuser l’idée d’une séparation entre les gentils manifestants pacifistes d’un côté et les vilains « blacks blocks » de l’autre [7]. La conférence de presse du 4 juillet organisée par les No-Tav a permis de remettre les choses au clair, l’unité du mouvement ayant été réaffirmée [8].
Bien sûr les politicards vont tout aussi loin dans la bêtise. Pour se rendre compte de la stupidité crasse des arguments des partisans du TAV, il suffit d’écouter le Ministre du Transport – ancien membre du parti néo-fasciste MSI : « Ce n’est pas un groupe restreint de violents et de délinquants, arrivés sur le chantier de la Maddalena depuis toute l’Italie et depuis l’étranger, qui fera changer d’avis le gouvernement, qui entend réaliser la ligne TGV dans le respect des accords et des engagements internationaux. Le Lyon-Turin est un projet qui génère développement, croissance et emploi, et qui est par conséquent prioritaire. ». Il n’y a que de la bouche d’un ministre (ou d’un économiste, d’un industriel, d’un journaliste, …) que peuvent sortir de telles abjections ; comme si on ne pouvait pas vérifier au quotidien que malgré un « développement » technologique inconsidèrable des parties toujours plus importantes de la population ne peut même plus satisfaire leurs besoins vitaux, que la « croissance » n’entraîne que destruction du vivant et pauvreté, et comme si « l’emploi », l’idéologie du Travail, faisait partie intégrante de la « nature humaine » et menait à une vie pleine et heureuse. On évoquera aussi le maire de Turin qui craint une « régression culturelle » (sic) si les résistances au TAV devaient apparaître comme le refus de « toute infrastructure moderne » (resic). La lutte contre le Tav et son monde continue, nous mettrons régulièrement cet édito à jour en fonction de l’évolution de la situation. Ceux comprenant l’italien pourront trouver des informations régulières ici :
http://radioblackout.org/streaming/
et là : http://piemonte.indymedia.org/ [1] Le Val Susa est en résistance contre la modernisation de la vallée depuis une vingtaine d’années ; voir cettebrochure*1 pour un retour sur ces luttes ainsi qu’ici sur la mort des anarchistes Sole et Baleno.
[2]Pour un retour sur la bataille du 27 juin qui a duré quelques heures (à partir de 7h du matin), avant que les No-Tav ne cèdent, malgré une préparation très sérieuse et une forte résistance, face à l’armada policière,voir [3] Sur la journée du 3 juillet et ultérieurs voir ici , là , ou encore là [4] Voir ici les conséquences de la brutalité policière.[5] Voir ici les renseignements pour leur témoigner du soutien. [6]Voir ici les informations sur la mort d’Anna Recchia.[7] Voir ici quelques éléments de propagande médiatique .[8]Pour plus d’informations sur la conférence de presse, voir ici
Dernière mise a Jour une grande mobilisation se prépare du 15 au 30 juillet