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Etats-Unis
Montée du danger d'une guerre commerciale américano-chinoise
Par Peter Symonds
11 octobre 2010
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Le vote de la Chambre des
représentants américains, obtenu à une large majorité, en faveur d'une loi
ouvrant la porte à des sanctions tarifaires contre la Chine pour contrer sa
politique monétaire est un pas risqué vers la guerre commerciale. Cette loi,
visant tout pays dont la monnaie sera considérée comme « fondamentalement
sous-évaluée, » répond à des demandes de plus en
plus stridentes venant de l'establishment politique américain, en
particulier de son aile prétendument libérale, de mesures commerciales fortes
contre la Chine.
Dans un commentaire intitulé « s'en
prendre à la Chine » dans le New York Times
de jeudi, l'économiste Paul Krugman a refusé de prendre en considération les « signes d'une guerre commerciale et de perturbations
économiques mondiales » et défendu des mesures
encore plus fortes. « La diplomatie sur la monnaie
chinoise n'a abouti à rien, et continuera à n'aboutir à rien tant qu'elle ne
sera pas soutenue par la menace d'une sanction, »
écrit-il. « Toutes les discussions sur la guerre
commerciale sont sans fondement et, de toute
façon, il y a des choses pires qu'un conflit commercial. En cette période de
chômage, rendue encore pire par la politique monétaire prédatrice de la Chine,
cette possibilité devrait figurer tout en bas de notre liste de sujets
d'inquiétude. »
Ce message était renforcé par un éditorial dans le même
numéro demandant au gouvernement Obama d'accentuer la pression sur la Chine en
lançant « une grande contestation
contre les pratiques commerciales illégales de la Chine » à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et en
encourageant d'autres pays à faire de même. « Cette
stratégie comporte également un risque de représailles »,
admet le New York Times, « mais les
États-Unis ne doivent pas être paralysés, et agir avec d'autres devrait réduire
ce risque. »
Ces arguments s'appuient sur la présomption que la pression
américaine forcera la Chine à faire marche arrière. Mais en dépit d'une forte
croissance économique, le régime chinois est très préoccupé par l'instabilité économique
et sociale. Répondant aux lois américaines, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Jiang Yu a prévenu que : « Encourager le
protectionnisme contre la Chine sur la base du taux de change endommagera
sévèrement les liens commerciaux et économiques sino-américains
et cela aura un effet négatif sur les deux économies et sur l'économie
mondiale. »
Exposant les craintes chinoises sous-jacentes, le Premier
ministre chinois Wen Jiabao a déclaré aux dirigeants américains la semaine dernière : « Si le renminbi
[yuan] augmente de 20 pour cent à 40 pour cent selon la requête du gouvernement
américain, nous ne savons pas combien de compagnies chinoises seront en
faillite et combien de travailleurs chinois seront licenciés et combien de travailleurs
ruraux retourneront chez eux. Il y aura des turbulences majeures dans la
société chinoise. » Risquant des troubles sociaux,
il est probable que la Chine va engager des représailles.
Les conséquences de l'escalade d'un conflit commercial
mondial sont bien connues. Écrivant dans le Washington Post lundi,
Robert Samuelson a ouvertement défendu la guerre commerciale comme moyen de
s'assurer une suprématie économique continue des États-Unis. « Aucune
personne familière avec la taxe Smoot-Hawley des années 1930 ne devrait se
réjouir de la perspective d'une guerre commerciale avec la Chine, mais il
semble que ce soit ce vers quoi l'Amérique se dirige et c'est probablement ce
vers quoi elle devrait se diriger, » écrit-il.
« Bien que la taxe Smoot-Hawley
n'ait pas été la cause de la Grande Dépression, elle a
contribué à l'aggraver en provoquant une riposte de grande ampleur. S'opposer
aux subventions à l'exportation chinoises risque d'entraîner un cycle similaire
où les adversaires se rendront coup pour coup, alors que la reprise économique
est faible. C'est un risque que, malheureusement, l'Amérique
doit prendre. »
Samuelson a critiqué la Chine pour « n'avoir
jamais réellement accepté les règles de base qui régissent l'économie mondiale » et pour vouloir « un
système de commerce subordonné à ses besoins. »
Mais les États-Unis, bien sûr, cherchent à conserver leur propre position
dominante et à façonner le système commercial pour qu'il corresponde à ses
besoins économiques. Comme Pékin l'a indiqué, la récente législation américaine
qui veut pénaliser la Chine pour une raison monétaire n'est pas compatible avec
les règles de l'OMC.
L'article de Samuelson renverse un dogme économique
fondamental du libéralisme de l'Amérique d'après-guerre : celui qui dit qu'il
ne devrait jamais y avoir de retour à la politique consistant à nuire à son
voisin (« beggar-thy-neighbour ») introduite par la loi Smoot-Hawley.
Cependant, les institutions d'après-guerre conçues pour empêcher ce retour,
s'appuyaient sur la prédominance économique des États-Unis et se sont
effondrées depuis longtemps. Dans la pire crise économique depuis les années
1930, la tendance aux sanctions commerciales revient.
Dans sa conclusion, Samuelson affirme que la guerre
économique représente un moindre mal comparé à une acceptation de la domination
chinoise. « La collision se fait entre deux
conceptions de l'ordre mondial, » déclare-t-il. « En tant que principal architecte et gardien de
l'ancien ordre, les États-Unis sont face à un choix terrifiant :
résister aux ambitions chinoises et risquer une guerre commerciale où tout le
monde perd, ou ne rien faire et laisser la Chine réorganiser le système
commercial. La première option serait dangereuse ; la seconde potentiellement
désastreuse. »
Samuelson aurait peut-être dû intituler son article, « une modeste proposition pour la guerre mondiale. » Le passage de la loi Smoot-Hawley avait entraîné un
foisonnement de barrières tarifaires en représailles par les autres pays, une
baisse catastrophique du commerce mondial, qui baissa de 40 pour cent entre
1929 et 1933, et l'émergence de blocs monétaires antagonistes. Le corollaire de
la guerre commerciale avait été le réarmement, et l'escalade des rivalités et
des conflits en Asie et en Europe qui culminèrent avec l'éclatement
de la seconde Guerre mondiale en 1939.
Les exigences de Washington concernant le Yuan chinois
trouvent déjà leur parallèle dans les actions agressives récentes du
gouvernement Obama pour saper l'influence chinoise en consolidant les alliances
militaires avec la Corée du Sud et le Japon en Asie du Nord-Est, et en
soutenant les nations d'Asie du Sud Est dans leurs disputes territoriales avec
la Chine en Mer de Chine du Sud. En tant que puissance économique en déclin,
l'impérialisme américain exploite sans vergogne sa force militaire résiduelle
pour contrer ses rivaux. Les États-Unis mènent déjà deux guerres — en Irak et en Afghanistan – pour garantir sa
domination sur les régions d'Asie centrale et du Moyen-Orient vitales par leur
richesse en ressources naturelles.
La classe ouvrière internationale est la seule force qui
puisse empêcher la plongée vers une guerre catastrophique. Les travailleurs
américains et chinois doivent rejeter le poison politique du nationalisme et du
protectionnisme qui les soumet à la classe dirigeante de chaque pays. Ils ont
un intérêt de classe commun avec les travailleurs des autres pays à renverser
le système de profit exploiteur et oppresseur, et à façonner une nouvelle
économie mondiale selon des principes socialistes pour répondre aux besoins de
l'humanité dans son ensemble, et non les profits d'une petite élite. C'est pour
cette perspective que lutte le mouvement trotskyste international — le Comité international de la Quatrième
Internationale et ses sections de par le monde.
(Article original paru le 2 octobre
2010)
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